Plus nombreux sont les Hommes sur Terre, plus répandue et plus puissante est la peur, et toujours plus ténue la liberté intérieure. Autrement dit, moins libres sont les humains, plus ils sont contrôlables. C’est aussi simple que cela.
S'il y a un but à cette logique mortifère, c'est bien celui de la paralysie absolue. Et comme la nation, l'entreprise n'y coupent pas, seuls leurs acteurs illusionnés par leur égo-mental/menteur imaginant qu'ils y trouvent matière à réalisation personnelle.
A terme, sa relation à la vie ne peut que devenir une vaste prison mentale, où des individus se croisent, se frôlent chaque jour tout en se méfiant les uns des autres. Un monde où les bons sentiments et le savoir-vivre côtoient intimement la violence voire, parfois, le meurtre, au propre comme au figuré. Un monde où la peur et la haine généralisées, parfaitement orchestrées et organisées, servent les intérêts des représentants du système prédateur régnant. Parce qu’elle stimule la productivité commerciale, industrielle et financière, la peur est un moteur fondamental pour encourager le sacro-saint effort économique sous toutes ses formes. A contrario, l’individu serein et émancipé des croyances et conditionnements assénés n’est pas productif : il est détaché. Il ne projette pas sur la scène du monde ses fantasmes de conquérant éternellement frustré. En tant que menace pour le pouvoir, les individus sains en corps, âme et esprit sont écartés, ou " recyclés ".
Aussi, à terme, les guerres ne seront plus menées par les nations ou déclarées ouvertement par des leaders tout puissants, mais par les peuples eux-mêmes. Car " l’esprit de guerre " et de compétition aura envahi tous les cœurs, et le peuple en aura fait son credo quotidien. Le matin dès le lever, en allant travailler, on se dira " C’est la guerre : sois le meilleur ! ". Du reste, n'est-ce pas ce que l’on observe déjà ?
Se débarrasser de la peur n'est pas chose aisée, tant le virus inoculé est puissant. D'autant plus qu'en ouvrant ses poumons pour absorber l’oxygène vital, l’individu sans le savoir aspire une quantité invraisemblable de ce que l’on a coutume d’appeler " la peur", cette matière entêtante qui, tout comme l’air qui nous environne, caractérise le principe même de la vie terrestre. Elle véhicule des milliards de miasmes invisibles, formant des égrégores qui, tels des microbes ou des virus, s’insinuent en nous et prospèrent confortablement dans nos entrailles. Chercher un hôte pour cultiver sa propre peur est une démarche issue des origines des temps. C’est de cette façon que les espèces ont survécu et se sont multipliées jusqu’à l’homo sapiens.
Se débarrasser de la peur paraît donc parfaitement impensable, et celui qui, bravache, y prétend se ment à lui-même. Cette réaction de résistance ou de défense est justement engendrée par la peur. En fait, il existe de nombreuses formes de peur. Et la peur instinctive, irrationnelle, n’est pas forcément la plus mauvaise. Bien au contraire. Les animaux en savent quelque chose. Cette sorte de sixième sens est bien souvent fort utile et permet d’anticiper bon nombre de situations dangereuses.
La peur la plus dangereuse demeure très probablement celle qui est concoctée par le mental lui-même. Nous avons dans ce cas affaire à une démarche organisée et structurée dans le but de nuire à autrui, et par conséquent de nous nuire à nous-même (et vice versa). Ce mécanisme bourreau/victime est la pire des choses qui peut être vécue émotionnellement et énergétiquement par l’individu.
Tout se joue dans sa dynamique psycho-émotionnelle, les scénarios ne manquant pas dans la journée. Notre quotidien est en effet saturé de situations extrêmes et stressantes à peine perceptibles par la conscience. Ils sont les reflets directs et purs produits de nos schémas inconscients et des ombres - les traumas - qui s'y tiennent. Il en résulte une sensation de doute permanent, très conscient en revanche, et un manque de confiance en soi permanent. Paralysé, tétanisé ou encore dopé par ces monstres des profondeurs, nous naviguons en eaux troubles notre vie durant, entreprenant quelques démarches vaguement structurées. Mais bien souvent nous nous isolons, ou nous glissons au sein d'un collectif - famille, travail -, schéma que nous vivons comme une véritable victoire tant nous nous sommes donné du mal pour concrétiser ce projet fou, vivre, défiant à chaque instant nos limites.
Pourtant, en de rares et particulières occasions, nous pouvons découvrir la peur, non comme un objet étranger indéfinissable, mais partie prenante de notre identité biologique. Par observation, raisonnement et discernement, nous finissons par comprendre que c’est la matière physique qui est toute entière imprégnée de peur, non notre êtreté profonde. Nous comprenons que nous ne sommes pas que cette désagréable émotion. Dans ces instants rares où notre conscience se libère du cadre hypnotique qui nous asservit, nous découvrons un champ d’action plus vaste, plus ludique, plus efficace. Nous faisons ainsi l’expérience d'une nature énergétique dont la fréquence est la même que celle de l’univers tout puissant. En la vivant, il en découle toujours un effet guérisseur, même ténu, car sa réactivation redonne vie à notre esprit engourdi et ravive nos cellules. Guérir, renaître à Qui Nous Sommes vraiment, c’est élever un peu notre niveau de conscience, pour être capable d’appréhender le langage mystérieux omniprésent du monde. On découvre alors qu’il n’y a pas que la peur sur cette planète, qu’il existe une certaine forme de grandeur qu’on ne sait réellement définir car elle n’est pas répertoriée par le vocabulaire conventionnel. C’est normal car sa simple présence à nos sens dissout le tumulte intellectuel, annihile littéralement toute tentative de formulation tant les mots ne sont plus à la hauteur. Sans le savoir, nous touchons notre Soi supérieur, notre Âme, notre double spirituel dans sa version la plus élevée.
Lorsque nous vivons un sentiment de peur, nous voulons en comprendre la raison. Nous tentons de lui donner un visage, des mobiles, nous imaginons ses intentions, recherchons le coupable, invoquons des circonstances atténuantes. En somme nous lui donnons vie. La peur devient une réalité à laquelle nous ne pouvons plus nous soustraire. Elle peut alors contrôler notre organisme et notre esprit à sa guise.
À cet instant précis, il nous appartient de contempler la formation de notre scénario émotionnel. Nous prenons alors un peu la mesure de son aspect artificiel et par conséquent factice. Au bout d’un certain laps de temps, la situation se sera étiolée, et il n’en demeurera plus qu’une vague image, un semblant d’émotion irréelle, un sursaut, un simple stimuli tout au plus. Nous réalisons que nous sommes toujours le principal instigateur de ce schéma complexe et dérangeant. Et à nouveau nous prendrons peur...
Ce simple réflexe est le signe qu’un être aussi sophistiqué que nous sommes peut être terriblement prévisible. Avoir peur de la peur, c’est se mordre la queue et donc dépérir. Mieux vaut l’affronter. Ainsi on y gagne en force, et à terme nous rencontrons une lucidité qui nous faisait tant défaut.
La peur et ses déclinaisons sont l’expression même de la vie terrestre. Seul le monde minéral échappe à cette fatalité. Tous les organismes se battent pour survivre, tous connaissent l’agressivité et la précarité. Seul celui qui ne " croit " plus en la vie terrestre défie ouvertement la peur. C'est une forme de pouvoir, tant exploitée par les philosophies extrémistes et autres religions fanatiques. Détruire la vie devient à cet instant un acte normal, crédible, légitime pour celui qui n’est plus influencé par les codes de sa masse corporelle. En nuisant à l’autre, il se détruit lui-même.
Affronter la peur ce n’est pas chercher à la détruire. C'est plutôt dans un premier temps apprendre à la connaître, à la comprendre. Ne pas le faire, c'est se fuir à soi-même, par peur de ce que nous allons découvrir au fond. C'est s’enfoncer dans un matérialisme obsessionnel, cautère illusoire, jusqu’à disparaître totalement. C'est involuer, le but étant de n’avoir plus conscience de soi, des autres, des dangers de la réalité… C'est disparaître dans la dimension du confort, de la sécurité absolue. C'est s'illusionner sur les promesses de paradis et de bonheur immédiats, à un message parallèle bien trompeur en discours de fond qui veut que les peurs ne soient qu’illusions, qu'elles n’ont plus lieu d’être sur cette terre promise pour celui qui franchit la porte de ses temples désacralisés : supermarchés, centres commerciaux, boutiques, spas, restaurants, stades…. Les paradis artificiels, les centres de divertissements, les complexes commerciaux, nos activités professionnelles, forment la structure de cette nouvelle religion tentaculaire censée préserver l’Homme du danger, de la mort, de la violence et de la peur. Et même si personne n’est dupe au fond, c'est par dépit que l’humain disparaît, se dilue dans ces rites modernes en sacrifiant sa dignité sur l’autel du confort immédiat.
La peur ancestrale véhicule quant à elle un message sacré, que l’Homme contemporain croit bon d’ignorer en se fondant dans ce nouveau système " théologique " * où le Divin – trop inaccessible – est supplanté par l’hédonisme tout-puissant. Cette nouvelle philosophie s’est développée et popularisée après la seconde guerre mondiale, justement créée pour devenir une alternative aux guerres, soit la peur de la destruction finale. Elle est donc une réponse " efficace " aux terreurs auxquelles l’humain a contribué activement tout au long de l’Histoire, une anesthésie de sa conscience, de ses mémoires cellulaires, préparatoire à son enferment définitif, celui de la " Fin des temps " *².
Aussi, tant que l’Homme n’aura pas compris que l’oubli de soi n’est pas LA Réponse, il demeurera un couard aux yeux de l’Univers. L’hédonisme n’apporte aucune véritable réponse, si ce n'est de l'engourdissement de nos sens et de notre lucidité. Comme il est réconfortant alors de se croire maître en terre conquise, grâce à tel titre, grade ou statut social, emprunté ça et là au hasard des circonstances de sa vie. Comme il est rassurant de se convaincre que le " bonheur " est accessible en suivant simplement les modes d’emploi et préceptes préconisés par telle ou telle personnalité gourou à la mode. Les magazines et autres livres de recettes magiques en sont pleins.
* Cf. La nouvelle religion universelle.
*² Cf. Prophétie du changement.
La peur primitive continuera d’agir dans nos abysses personnels, de nous provoquer notre vie durant, et de susciter moult frustrations et un vide existentiel certain. Jadis l’humain se confrontait à cette peur comme on affronte une bête redoutable. L’adolescent passait donc à l’âge adulte en traversant l’épreuve de sa vie, le " Voyage du Héros " *. Durant cette expérience, il n’était plus encadré par les rassurants principes de la communauté, et devait affronter SEUL la véritable nature du monde qui l’environnait et découvrait ainsi son message secret.
Si l’Homme affrontait ses peurs, la machine économique prédatrice s’effondrerait d’elle-même. C’est justement ce que les autorités institutionnelles veulent éviter, à tout prix. L’insécurité est donc une valeur sûre économiquement parlant, au même titre que l’or ou le pétrole. Elle est même devenue un business extrêmement rentable pour ses maîtres artificiers. Pour ce faire, médias et politiciens de connivence stimulent la crainte de l’autre et de l’avenir, infantilisent et maternent le grand public. Ils ont encouragé la naissance et le développement d’une société entièrement axée sur l’Homme, toujours plus anthropocentriste, frivole et vénale à l’extrême, qui nous assujettit à un narcissisme stérile, grâce à d’innombrables techniques commerciales fondées sur l’hypnose. Parallèlement à cela, nous assistons à des manœuvres officieuses qui encouragent et véhiculent l’individualisme, la violence et la paranoïa pour finalement valoriser et vendre en masse de faux remèdes extrêmement rentables. C'est toute la logique complexe et fondamentalement hypocrite de ce système trompeur.
* Cf. Le Jeu de la Vie.
Si la peur a aujourd’hui perdu son caractère sacré et initiatique dans les sociétés dites modernes, elle demeure pour autant une voie incontournable pour celui qui a soif de Vérité et de Réalité. Elle est le passage obligé qui précède toute prise de conscience authentique ainsi que toute renaissance. Éveil et peur sont indissociables. La peur est intimement liée au sens même de l’Existence.